Vous répondrez aux questions suivantes à partir de votre réflexion personnelle, du cours, et des annexes. Ne soyez pas trop tranchés dans vos conclusions.
- Donnez une définition institutionnelle de la pauvreté. Cette définition est-elle satisfaisante selon vous, donnez des arguments.
- Quelles sont les différences entre la situation de pauvreté en France et aux États-Unis, comment l’expliquer ?
- Quelles sont les causes de la pauvreté en France ?
- Comment résoudre la pauvreté en France ?
- Jean-Yves Naudet et Denis Clerc, les auteurs des annexes sont-ils en accord ou en désaccord, l’un a-t-il raison, l’autre a-t-il tort ?
Annexe 1. 7 millions de pauvres en France
Il y aurait eu en 2003, 3,7 millions de pauvres en France qui représentent toute personne percevant moins de 50% du revenu médian. Cela fait 645 euros par mois pour une personne seule. Mais le calcul proposé par les instances européennes pour les comparaisons entre pays fixe le seuil de pauvreté est fixé à 60% du revenu médian, soit pour la France 774 euros par mois pour une personne seule. Dans ce cas, il y aurait eu 7 millions de pauvres.
En quoi ce calcul exprime-t-il la pauvreté ? En effet, il s’agit d’un calcul relatif (par rapport au revenu médian). On comprendra facilement que ce n’est pas la même chose d’avoir moins de 50% du revenu médian au Bangladesh ou en France ou aux Etats-Unis ! En effet, un pauvre Français serait considéré comme un riche Bangladais.
En réalité, ces calculs donnent une idée de la dispersion des revenus, ce qui est une question intéressante, mais qui n’a rien à voir avec la pauvreté objective, avec la misère.
L’absurdité de ce type de calcul était déjà apparue il y a quelques mois : Le Monde avait titré « 72 millions de pauvres en Europe ». Or le seuil de pauvreté (60% du revenu médian) était de 15.913 euros par an pour une famille avec deux enfants. Dans le cas du pays le plus riche, le Luxembourg, le seuil de pauvreté est fixé, pour une famille de 4 personnes, à 30.000 euros par an. On en conviendra, c’est une pauvreté bien relative, dont de nombreux Africains seraient sans doute heureux de bénéficier…
Ceci étant, il serait bien entendu stupide de le nier, il y a des pauvres en France comme ailleurs. Ce qui est alors intéressant, c’est de savoir si ce sont toujours les mêmes. Or là, si on dispose de peu d’information en Europe, on en a beaucoup plus du côté des Etats-Unis. Et là on s’aperçoit d’une incroyable mobilité : le seuil de pauvreté y est de 19 400 dollars pour une famille de 4 personnes. Mais surtout tous les calculs montrent que la grande majorité de ceux qui sont pauvres une année ne le sont plus dans les années qui suivent. D’une génération à l’autre, la mobilité est encore plus grande. Et seuls ceux qui sont maintenus artificiellement dans l’assistanat par l’Etat Providence restent durablement dans cette situation.
On sait que ce qui conduit avant tout à la pauvreté, c’est la perte durable d’emploi. Or c’est l’Etat Providence qui est responsable quand le non travail est mieux rémunéré que le travail : pourquoi chercher à s’en sortir, puisque l’on serait financièrement perdant ? Il l’est quand des mécanismes comme le salaire minimum (SMIC), ce que confirment toutes les enquêtes, exclue durablement du marché du travail les plus jeunes et les moins qualifiés. Il en va de même pour le poids excessif des charges sociales, qui joue contre l’embauche. Ou encore des contrats de travail trop rigides qui font que personne n’embauche si personne n’a le droit de licencier.
Jean-Yves Naudet, mars 2006, extrait
Annexe 2. Mettre des moyens contre la pauvreté
Réduire fortement la pauvreté dans une société comme la nôtre est possible. C’est à notre portée, parce que le nombre de personnes concernées est relativement faible et que notre société est globalement riche. Il y a encore une cinquantaine d’années, la chose aurait été bien plus difficile, parce que le revenu par tête était alors trois fois plus faible qu’aujourd’hui et la proportion de personnes en situation de pauvreté sans doute deux fois plus importante. L’effort relatif à consentir aujourd’hui est donc six fois moindre.
En chiffres ronds et après neutralisation de l’inflation, le revenu des ménages après impôts a progressé de 1 200 milliards d’euros entre 1959 et 2006. Si cette progression avait été amputée de 2% au profit d’une lutte résolue contre la pauvreté laborieuse, celle que nous connaissons aujourd’hui aurait été à peu près éliminée. Et si l’investissement en faveur des enfants avait atteint à peu près le même montant, la génération à venir, mieux formée, aurait vocation tout entière, ou presque, à gagner dignement sa vie par ses propres moyens, réduisant d’autant le montant de l’aide sociale et des subventions aux bas salaires qu’il nous faut effectuer aujourd’hui.
Il s’agit là sans doute d’une vision trop optimiste des choses et l’on ne manquera pas, avec raison, de chipoter sur des calculs, des hypothèses et des extrapolations que certains esprits cartésiens jugeront un peu excessives ou déraisonnables. Il ne suffit pas de mettre de l’argent sur la table pour résoudre un problème aussi compliqué que celui de la pauvreté, où se mêlent fragilités personnelles, déterminismes sociaux, héritages culturels, ruptures familiales, comportements opportunistes et hasards économiques. Mais il ne fait pas de doute qu’une partie du chemin dans ce sens aurait été parcourue, alors que nous ne l’avons pas fait, ou pas suffisamment. En affectant une très faible part de l’enrichissement collectif de notre société à la lutte contre la pauvreté, nous aurions pu avancer, et nous ne l’avons pas fait. Ou pas assez.
Denis Clerc, Alternatives Économiques, octobre 2008